Je dormais bien tranquillement, quand une petite brise est venue me réveiller.

Je ne parvenais pas à ouvrir les yeux, mais j’entendais déjà des oiseaux, le bruit des arbres qui bougent et le vent. Je suis dehors, allongé sur le dos et je sens des petits cailloux qui me rentrent dans la peau. J’ouvre les yeux.

Mais je suis complètement nu ! Et au milieu d’une forêt !

Je saute sur mes pieds instantanément, cherchant autour de moi de l’aide. Houlà. Ca tourne, là. J’ai peut-être un peu présumé de ma forme. La tête me tourne tellement que je dois retomber à genoux. J’ai des haut-le-cœur, les jambes en caoutchouc, les mains qui tremblent, des suées, la bouche pâteuse et un de ces maux de crâne ! Oui, bon, c’est la gueule de bois, quoi, et carabinée. J’ai dû faire la fiesta hier soir, mais je ne me rappelle pas.

Mais personne, juste la forêt. Quelque part, je suis un peu soulagé que personne ne m’ait vu, je pourrais me faire verbaliser pour attentat à la pudeur.
Pourtant… quelque chose me dit que je ne risque pas de rencontrer ici un garde forestier. Je regarde les alentours, à la recherche de quelque chose de familier.
Je suis donc debout sur un gros tumulus d’une vingtaine de mètres de haut, au milieu d’une clairière, dans une forêt. Un peu d’herbe et de rares petits arbres poussent sur cette butte, laissant leurs racines apparentes créer un entrelacs complexe, comme une cascade de bois qui descend vers le sol. Le sol semble être un mélange de sable et de terre.
Du pied du tumulus, sourd une rivière. Elle part en ligne droite sur quelques centaines de mètres, large de trois ou quatre mètres, puis tourne vers la droite. Je ne la revois pas apparaître plus loin.
La forêt est très touffue, pas entretenue, les arbres poussent dans tous les sens, s'étouffent les uns les autres, des buissons, des lianes, des plantes grimpantes, envahissent tout l'espace.

Quelle heure peut-il bien être ? Ca n’a pas l’air d’être le petit matin, le ciel est très lumineux, mais je ne vois pas le soleil.

Mais qu’est-ce que je fais là ? Je ne me rappelle absolument pas comment je suis arrivé ici… Réfléchissons… Il faut que j’arrive à reconstituer ce que j’ai fait hier… Non, je n’y arrive pas. Je n’ai rien, ni pour hier ni les jours d’avant. Ma date de naissance… je ne sais plus ! Mes parents, mon nom, mon prénom, mon pays, ma maison !

Ah, on est en 2005, ça je sais. Chirac dirige la France, Bush les USA, Ok. Bon, je sais que je suis français, c’est déjà ça. On doit être en janvier, normalement. Enfin, disons que mon dernier souvenir remonte à janvier. Ou plutôt mes dernières connaissances du monde. Parce que je n’ai aucun souvenir personnel, rien, juste des choses générales.

En janvier ? Tout autour, là, ça ne ressemble pas du tout à une forêt de janvier. On se croirait plutôt en mars, avril, dans une forêt européenne. Qu’est-ce que j’ai fait, entre janvier et le printemps ? Est-ce que j’ai eu un accident ? Je suis peut-être tombé dans le coma et puis je me suis échappé de l’hôpital et je me suis retrouvé au milieu de la forêt, à poil. Ben voyons, logique !

J’ai peut-être des cicatrices… non, aucune, j’ai beau m’examiner dans tous les sens… mes ongles sont propres, coupés courts, nickel, manucurés, on dirait. Je suis tout propre, d’ailleurs, comme si je sortais de la douche. Comment ai-je fait pour traverser la forêt sans vêtements et être aussi propre ? Même la plante de mes pieds ne porte aucune trace, ni de terre, ni de boue, ni même d’écorchure. Mes cheveux sont coupés à ras. Suis-je militaire ? Tiens, qu’est-ce que c’est que ça ? Un tatouage ? Moi ? Bon. C’est sur le haut de mon bras gauche. Il y a un dessin. C’est juste un cercle et un barre verticale en dessous et un mot, à l’envers pour moi : Mael. C’est mon nom ?

Je suis Mael ?