Je vole !!! Au-dessus d’une vaste campagne, je plane, bras et jambes écartés, nu comme Adam, allongé sur le vent. L’air est doux, le soleil chauffe en peu et je fonce comme un aigle sur les alizés. J’ai l’impression de pouvoir embrasser la terre entière entre mes bras, tout cela m’appartient, et j’en fais partie. Je sais que j'ai une mission sacrée et que rien ne pourra m'en détourner. Je vais sauver tout le monde.
Bientôt, j’atteins un rivage et je survole la mer. Le vent se lève, des vagues se forment, mais cela ne gène pas mon vol régulier, trop puissant pour être troublé par de simples déplacements d'air. Je prends de l’altitude, de plus en plus et je me sens oppressé. Je sens autour de moi une menace, une hostilité. La tempête enfle tant et plus maintenant et pourtant, à travers les nuages noirs qui m’environnent, je perçois la lumière du soleil et un coin de ciel bleu. Là-bas, règne le calme, mais je n’ai pas le droit d’y aller. Je dois m’enfoncer plus avant dans la tempête.
Je vais survoler l'Ennemi. Je sais que c’est de là que vient la menace, il faut que je l’anéantisse. C’est même pour cela que je suis venu et j’en ai les moyens.
Alors, je rassemble dans ma main toute la tempête, je la concentre en une simple boule de fureur et de chaos et je la lance de toutes mes forces vers le sol. Je la vois partir pendant que le ciel bleu m’environne à nouveau. Elle n'a pas l'air si menaçante, on dirait un petit garçon qui tombe.
Le trajet de ma boule de haine dure une éternité et je ne la vois pas atteindre le sol. Mais soudain, j’entends un cri, un hurlement d’horreur, de douleur infinie, une clameur composée de millions d’autres cris. En touchant le sol, ma tempête a explosé et s’est transformée en antichambre de l’Enfer.
C’est l’Apocalypse qui s’est en un instant répandue sur ce sol. Et c’est moi qui l’ai déclenchée. Moi qui croyais me débarrasser de ma haine, de ma peur, moi qui croyais protéger les miens et accomplir une mission sacrée, je m’aperçois que rien de tout ce que dont je pensais me débarrasser ne m’avait quitté. Et plus que cela, je savais maintenant que jamais je ne pourrais plus vivre normalement, à moins de tout oublier.