Mais oui, ma bonne dame, comme bon nombre de mes collègues, j'ai été pris en otage aujourd'hui, exemples :

- La SNCF et le RATP sont en grève : tu prends ta voiture (et tu payes de l'essence en plus de ta Carte Orange).
- Tu n'as pas de voiture ou tu n'en a qu'une pour le couple ? Tu te démerdes, pour venir à pied, en transport non gréviste ou rester chez toi.
- Tu es en retard au boulot ? Ca te fait des heures en moins qu'il va falloir rattraper d'une manière ou d'une autre et ton patron qui s'en fout t'engueule en plus.
- Les profs de ton gamin qui est en CM2 sont en grève ? Les puéricultrices de la halte-garderie de ton petit dernier sont en grève ? Il faut que le papa ou la maman reste à la maison pour le garder : une journée de congé gâchée, et hop.

Je voudrais bien qu'on m'explique, maintenant : le CPE, ça concerne bien le secteur privé, non ? Qu'est ce que les fonctionnaires viennent foutre là-dedans ?

Ok, Ok, je ne mets pas tout le monde dans le même panier, commençons par le début.
Les étudiants sont en grève car le CPE va les concerner sous peu de temps, d'accord, ils descendent dans la rue, soutenus par les syndicats, d'accord.
Du coup, leurs profs qui se retrouvent devant des classes vides les accompagnent. Admetttons aussi qu'ils soient solidaires de leurs élèves.
Mais en quoi cela concerne-t-il les instituteurs d'écoles primaires, voire de maternelles, voire de crèches ? En quoi cela concerne-t-il les professionnels de la grève de la SNCF ? Ils font la grève pour moi ? J'ai rien demandé, moi. Ah, ils font la grève pour leurs enfants...

Maintenant, faisons un calcul simple : une classe moyenne : 20 élèves de CE1, par exemple. L'instituteur (oui, le professeur des écoles, si vous voulez, mais je ne vois pas en quoi le mot "instituteur" était mauvais) fait grève, ses élèves doivent rester chez eux. Qui va les garder ? Parfois les grands-parents, s'ils peuvent, parfois une nounou qu'il faut payer, souvent l'un des deux parents. Donc, en étant gentil : un instituteur en grève = au moins 10 personnes qui ne vont pas travailler et qui au passage ne peuvent pas non plus aller manifester dans la rue.

On a vraiment l'impression que les administrations saisissent le premier prétexte pour le plaisir de dire "non", même à un truc qui ne les concerne pas, quitte à emmerder les usagers de leurs services qui voudraient bien tout simplement aller gagner leur croûte.

Pour chaque fonctionnaire en grève, ce sont des dizaines de salariés du secteur privé qui ne peuvent pas travailler. Et qu'on ne vienne pas me parler de mon égoïsme, car quand moi je n'embête que moi, eux ils emmerdent toute une population.

Ah, et au fait, les étudiants qui bloquent les facs, ont-ils pensé aux autres qui voudraient bosser ? Comment vont faire les salariés qui ont pris un congé subventionné pour une durée bien précise avec obligation de résultat ? Comment vont faire les étrangers qui n'ont un visa que pour la durée de leurs études ? Comment vont faire simplement les étudiants sans le sou qui bossent déjà dans les MacDo pour se payer une chambre de bonne ? Comment vont faire les étudiants qui ont des difficultés à suivre les cours difficiles et qui ont besoin du prof pour bachoter ?

Pourquoi la protestation d'un individu doit-elle pénaliser ceux qui ne protestent pas ? Quelqu'un peut-il me répondre à cela ?

La liberté de chacun s'arrête où commence celle de son voisin. La liberté de protestation s'arrête où commence la liberté de travailler.

Et pourquoi eux peuvent-ils faire grève aussi facilement et pas moi ? Moi, si je fais grève, je peux vous dire que mon patron ne va pas apprécier du tout et que quoi que je dise, ma journée sera pour mes pieds, contrairement à certaines administrations qui refont grève ensuite pour se faire payer leurs journées de grève...

Ne nous y trompons pas, le CPE, je n'aime pas. Je n'aime surtout pas qu'un type jamais élu par le peuple, qui n'a jamais travaillé en entreprise, se permette de décider tout seul d'une loi sans consulter qui que ce soit. Bien sûr elle va être votée par l'Assemblée, mais comme elle est majoritairement de son côté, c'est du gâteau. Mais le CPE n'est pas une excuse pour me prendre en otage.

Je sais qu'il y a pas mal de profs qui me lisent. Si vous avez fait grève, merci de m'expliquer pourquoi vous m'avez fait perdre de l'argent, du temps et mon calme.

Allez, je vais être positif : ce matin, sur la route, il n'y avait pas un chat, j'ai mis moitié moins de temps de trajet que d'habitude : tout le monde était resté chez soi !