Ah, enfin. Faim. Voilà des tentes blanches et des gars regroupés. Je pose l'engin et je m'approche des tables. Ya pu rien, mon pauv' monsieur ! Quoi ? Rien ? Juste un café chaud et une orange, mais c'est tout ce qui reste. Non, mais j'ai pas payé 7 euros pour un ravito aussi minable. Ben oui, mais on n'attendait pas autant de monde, on n'a purrin. Et le téléphone portable, c'est fait pour les chiens ? Le ravito du ravito, c'est pas possible ? Un coup de bagnole vers un magasin ouvert le dimanche matin, c'est pas compliqué. Si, yen a. Je sais qu'en ce moment, ma femme est parti faire des courses, vous voulez pas qu'elle vous prenne quelque chose ?

Bon, pas content, je remonte sur ma machine et me prépare à repartir. Mais j'ai bien froid et je suis de mauvais poil. Oui, encore plus. Là, on me dit qu'on a rejoint encore le parcours du 25 et que si vous prenez par là, il reste 8 bornes alors que par là, il en reste 15. Ok, je raccourcis.

Et là c'est dur. On passe dans des bourbiers qui ralentissent autant qu'une bonne côte, sauf que là, on ne peut pas poser pied à terre pour pousser, ce serait pire. J'ai les pieds complètement gelés, surtout le gauche qui est engourdi. Pourquoi le gauche et pas le droit, ça doit faire partie des mystères de la Nature. Le bout des doigts me fait mal aussi. Et en plus, il tombe une petite neige fine et pire que tout, il y a du vent.

Je croise un type qui est arrêté, l'air défait. Ca va ? J'ai les pieds gelés, me dit-il. Saute un peu pour les réchauffer ! Je continue.

Fais chier. Fais chier. Ras le bol. Mékeskejfoulà et toute cette sorte de choses.

Horreur ! Il y a une cloque sur le vernis du tube horizontal de mon beau cadre carbone Scott !!! Je passe le doigt, mais ça ne part pas. Je frotte un moment. Bing, une branche dans le casque. Aba oui, si je regarde le cadre au lieu du chemin, c'est sûr que je vais me prendre des trucs. Tant pis, je frotte plus fort et là, ça s'en va. C'était une goutte d'eau gelée qui est tombée de la tétine du tuyau de flotte de mon sac ! Ouf.

J'ai les pieds trop gelés, faut que je m'arrête. Je saute sur place et le type de tout à l'heure me demande si ça va. On se refait la conversation de tout à l'heure inversée. J'y retourne. Positive. Dynamise-toi et pédale, mon p'tit père. Oui, j'aime bien m'appeler "mon p'tit père" dans l'intimité.

Ah, tiens, je connais, là. On y est passé à l'aller. Ca sent la fin, ouf. Mais c'est pire que tout. Quand ça sent l'écurie, qu'on reconnaît, qu'on sait qu'il ne reste plus grand-chose à faire, c'est souvent plus dur de pédaler. Sauf que là, heureusement, on redescend sur la Seine.

Ayé, arrivé. Je passe devant la voiture, allez je jette le vélo dedans et je change de chaussures, c'est pas facile de marcher avec des pompes de vélo avec les cales en-dessous. En fait, avec les pompes normales non plus, je n'arrive pas à marcher, mes pieds sont tout engourdis. Les deux. Je vais me chercher un sandwich et je me prépare ma mauvais humeur.

Ya de quoi. Il n'est même pas midi et s'il reste quelques hot-dogs et quelques sachets de thé, c'est à peu près tout. Ah si, il y a plein de bières. Super. La bière après le roulage, c'est pas top. Je vais voir le plus gros bonhomme de la bande, l'air suffisant dans son costume, avec son micro, symbole du pouvoir, derrière les planches et lui demande pourquoi il n 'y a plus rien. On a été surpris par le nombre, répond-il. Et on ne pouvait pas ravitailler ? C'est difficile, en pleine forêt. Comment ??? Le ravito est au bord d'une route ! Avec des camionnettes !

Bon, j'attends 10 minutes pour voir si mon numéro est tiré au sort, des fois que je gagne une belle médaille bien ringarde. Non. Je rentre. En retournant à la voiture, je recroise le type qui avait les pieds gelés. On se salue, on va mieux tous les deux, on a le sourire. J'aime bien ces petites rencontres fortuites. Je ne le reverrai jamais, mais ça a été quelques secondes d'amitié gratuites.

Il fait bien meilleur dans la voiture chauffée. J'allume la radio. Ca va mieux.

Bon, je suis bien content d'avoir roulé, finalement. En fait, c'est vrai que ça fait du bien de se faire du mal de temps en temps. On n'en a plus l'habitude, à force de se calfeutrer dans sa maison, sa voiture, son bureau. Ca recentre un peu de souffrir.

Arrivé à la maison, la douche chaude a été un vrai bonheur.