Oui, ça a l'air un peu démago de dire cela, mais c'est vrai. J'ai une petite fille de 2 ans et demi et depuis qu'elle est là, je regarde les femmes différemment.

Autrefois, les femmes étaient pour moi sur un piédestal. La femme était pour moi toujours sûre d'elle, sûre de sa séduction et du pouvoir qu'elle pouvait exercer sur moi et sur les homme en général, et je me faisais d'ailleurs mener par le bout du nez. La femme a toujours été mystérieuse et j'ai toujours pensé qu'elle en jouait. Bref, bien que j'en aie connu un certain nombre et que j'aie vécu avec plusieurs femmes successivement (oui, pas en même temps), je n'étais pas arrivé à passer cette image supérieure que je leur avait donnée.

Je crois que le premier choc a été de découvrir que quand une femme fait caca, ça pue autant que quand c'est moi !!!

J'étais aussi tombé dans ce stéréotype que la femme n'est intéressée que par son apparence, son "paraître", le maquillage, les fringues, les attitudes dignes, le bon geste, resserrer les jambes, ne pas fixer du regard ou au contraire, montrer volontairement son décolleté pour déstabiliser. La femme n'est intéressée que par la futilité, par l'Amour, par les sentiments, la famille, les enfants. La femme au foyer ou le recherchant, quoi.

Depuis que j'observe ma fille, je la compare aux femmes et curieusement, je trouve beaucoup de similitudes entre ma petite fille et les femmes adultes. J'ai aussi eu deux garçons avant et je peux également faire cette comparaison.

J'ai tout d'abord été surpris de la différence de comportement et de jeux. Moi qui m'étais toujours dit que je ne voulais pas la diriger dans les jeux spécifiquement féminins : poupée, maison, poussette, c'est d'elle-même qu'elle a malgré tout choisi ces jeux-là. Ma fille ne se comporte pas du tout comme mes garçons. C'est vraiment une fille. Dingue, non ?

J'ai toujours trouvé injuste qu'on dise toujours à une petite fille qu'elle est jolie et qu'elle doit tout faire pour l'être, alors qu'on dit à un garçon qu'il est fort et intelligent. Comment veut-on, ensuite, que les femmes ne soient pas obnubilées par leur apparence ?

Aujourd'hui, je commence à me rendre compte que la femme n'est pas si différente que cela de moi.

Les femmes doutent.

Bon, il était temps que je m'en rende compte, mais à 40 ans, on commence aussi à regarder les jeunes femmes différemment, plus forcément comme des proies sexuelles, mais comme des personnes qui pourraient être mes enfants. Ca fout un coup, hein ? Je l'avais déjà dit dans un précédent billet, je regarde les femmes dans le métro, où on est tous renfermé sur soi. Je les vois nerveuses, hésitantes, stressées, effrayées, pas du tout sûres d'elle et de leur apparence, se trouvant toutes moches, doutant toutes.

Maintenant, je vois mes collègues féminines qui se battent comme les hommes pour leur carrière, délaissant comme les hommes leur famille pour leur réussite sociale, marchant comme eux sur la tête des autres. La femme est aussi pourrie que l'homme.

L'autre jour, j'avais une réunion dans un labo. Nous étions deux hommes, un petit jeune et moi, deux jeunes femmes, une jeune laborantine mignonne en jean moulant et sa chef en tailleur court, jolies jambes, menue. La troisième femme était enceinte jusqu'au yeux, dont hors circuit pour ce qui concerne la séduction. Nous étions entre deux paillasses, mal assis sur des tabourets, nous tortillant pour trouver un semblant de confort tout en discutant du boulot.

La chef du labo menait la réunion, gentiment mais fermement, connaissait bien son sujet, donnait les directives, sûre d'elle.

Et puis arrive le patron. Le type imposant, par sa carrure autant que par son aura, sa forte voix, ses 50 ans et son air sérieux voire sévère. En trois mots, il a descendu mon projet, en deux autres l'a relevé. Il avait jugé. Et j'ai regardé la chef. Elle avait complètement changé d'attitude : les genoux rentrés, les pieds écartés, les coudes sur le ventre, recroquevillée, jouant nerveusement avec son collier en le faisant passer sur son menton comme pour cacher sa bouche. Elle n'était plus maîtresse du jeu, elle posait des questions en bredouillant, demandant les directives. Sa voix avait changé aussi, plus aiguë. Elle était dans l'attente, l'infériorité. Il n'y avait pas de séduction, pas de sexe, pas de petit jeu.

C'était visiblement une petite fille devant son père.

Et moi, je l'ai vue comme une petite fille que j'ai eu envie de rassurer comme j'aurais fait de ma fille. Bien sûr, ce n'était pas possible à cause de ces codes de conduite du boulot.

On n'a pas arrêté de me seriner que tous les hommes voient leur mère dans leurs maîtresses ou la cherchent. Mais les femmes aussi voient leur père dans les hommes, surtout ceux qui ont de l'ascendant sur elles. Et je l'ai revérifié plusieurs fois. Bien sûr, ce n'est pas une généralité.

Je me rappelle tout à coup une femme avec laquelle j'avais passé quelques mois de vie commune, qui m'avait imposé une crème d'après-rasage et qui m'avait avoué une fois en passant que c'était la marque qu'utilisait son père, disparu depuis longtemps.

Bon, je ne crois pas que je fasse forcément penser les femmes à leurs pères quand elles me croisent, je ne suis pas sûr d'avoir cette aura. Mais du coup, j'ai une nouvelle responsabilité, une nouvelle pression. Je suis celui que ma fille se remémorera, plus ou moins consciemment, quand elle croisera des hommes dans 20 ans et même avant. J'ai intérêt à ce que ce souvenir soit positif si je veux qu'elle ait une bonne opinion des hommes.

Du coup, si tous les hommes avaient des filles et avaient cette prise de conscience, peut-être essaieraient-ils de faire de leur mieux pour que leurs filles soient fières d'eux et réussissent leur vie amoureuse plus tard...

Jean Ferrat chantait "La femme est l'avenir de l'homme". Et si l'avenir de l'homme, c'était sa fille ?