Hier soir, comme je le fais de plus en plus depuis qu'on a repoussé le soleil d'une heure, je suis allé rouler une dizaine de bornes, pour faire repartir la machine un peu grippée pendant l'hiver.

Je ne pars pas vers ma forêt de Montmorency, qui est déjà à 12 bornes de chez moi, du coup je pars le long de la Seine. Entendons-nous bien : il ne s'agit nullement de la Seine telle qu'on la voit à Paris. Chez moi, à 20 km de Paname, c'est la campagne, avec de la nature de chaque côté de l'eau, d'anciens chemins de halage reconvertis en pistes pour joggeurs et poussettes. J'aime bien regarder passer les péniches chargées ras la gueule. Je cherche de temps en temps de nouveaux parcours. Il y a quelques bois parsemés ça et là, beaucoup de champs, des coins de ma ville que je découvre ou ceux de la ville d'à côté.

Ce soir, je suis parti en sens inverse de mon habitude, et j'ai suivi d'autres chemins. Du coup je me suis trouvé au milieu d'un champs, sans chemin, à pédaler au milieu des labours. Heureusement que j'ai des suspensions, ça secoue. Puis j'ai découvert deux chemins qui se rejoignent aux deux bouts, un parfait anneau de jogging en rase campagne. Et là, j'ai roulé quelques secondes avec un groupe de vieux joggeurs, fait d'un joli mélange d'éthnies : un vieux maghrébin apprenant aux autres à courir, un turc taillé comme une armoire... turque, un africain très noir, un moyen oriental à grande barbe, un blanc européen (classement très approximatif et probablement faux). Tout ce joli monde courait, pas très bien, mais en se marrant bien. Le "prof" en tête était celui qui avait le plus grand sourire, d'une oreille à l'autre. Ils s'arrêtaient de temps en temps pour faire des exercices un peu dans le désordre. Je n'ai pas discuté avec eux à part "bonjour", je n'en ai pas eu besoin, mais j'ai été accepté pendant ce court laps de temps et puis j'ai appuyé sur les pédales et on s'est salués de la main. Je les ai revus un quart d'heure plus tard, ils rentraient et j'avais fait demi-tour. On s'est sourit.

Ce petit moment, était-ce la magie du sport ? Le plaisir de faire un effort en groupe, un point commun qu'on s'était trouvés au milieu des champs. Un petit moment d'humanité. On se serait croisés en ville, aucun regard n'aurait été échangé.